“Désolé, je voulais juste tuer quelques noirs”. Sur le procès de la fusillade de Macerata
Le jugement de première instance du procès de Luca Traini est tombé :
il est condamné à 12 ans ferme. Le 2 février 2018, il avait tiré sur un groupe d’étrangers à Macerata, blessant six d’entre eux, puis il avait célébré son geste par un salut le bras tendu. Enveloppé dans le drapeau tricolore. Devant le mémorial des morts au combat.
Dans la salle d’audience, Traini a lu sa déclaration : “aucune haine raciale”, a-t-il dit. Il n’est guère facile de répéter des mots qui ne t’appartiennent pas. On a besoin de lire les notes sur une feuille de papier pour se souvenir ce qu’il convient de dire pour prétendre qu’il ne s’est rien passé ce jour-là . Pour que tout redevienne comme avant. Parce que cette déclaration produit un peu cet effet : elle supprime la réalité du racisme dans ce pays, elle sacrifie Traini pour sauver la normalité du racisme comme nouvelle promesse politique d’un échange avantageux entre l’oppression exercée et l’oppression subie. De mars à l’été, il y a eu plus d’une trentaine d’attaques à motivation raciale.
Bagares. Passages à tabac. Tirs. Fusillade. Soumaila Sacko serait encore en vie s’il n’avait pas été ce travailleur noir.
Les tribunaux rétablissent l’ordre en distribuant les peines, mais sans imputer à l’ordre et aux forces qui le rendent tangible ce qui leur revient. L’ordre judiciaire dissimule l’ordre de la réalité pour continuer à le gouverner de façon abstraite. Cette peine éjecte la réalité de la lutte contre le racisme dans ce pays, un peu comme l’autre peine prononcée mardi dernier [2 octobre 2018] par le tribunal de Piacenza contre trois antifascistes qui étaient descendus dans la rue avec de miliers d’autres entre le 2 février et le 4 mars, pour arrêter les mains d’autres fascistes et de ceux qui les arment. Les douze ans et quelques mois prononcés au total par le tribunal de Piacenza assimilent la condamnation démocratique des antifascistes à la condamnation du fasciste Traini, tout comme les plus de 13 ans ferme jugés en cassation contre les quatre antifascistes condamnés pour la manifestation du 24 février 2015 à Cremona, après la tentative de meurtre d’Emilio par des militants de CasaPound. Aucune différence à la lumière de la légalité démocratique. Chacun a ce qu’il mérite. La justice fonctionne comme un jeu à somme – presque – nulle.
Voilà la méthode arithmétique suivie par le gouvernement contre toute vélléité de conflit. L’antifascisme de la gauche institutionnelle est reste l’otage d’une exigence de garantie démocratique, de protection universelle. Quelle déception. La chose est vraie aussi pour Mimmo Lucano qui bien qu’il ait toujours voulu s’en écarter par des paroles on ne peut plus claires, est devenu l’égérie d’une gauche emmourachée de la légalité, qui vole au secours du maire de Riace en portant le drapeau de ses inquisiteurs. Le maintien de l’ordre démocratique exige aujourd’hui un racisme structurel. La légalité défendra cet ordre en frappant les excès qui le bouleverseront : que ce soit la “folie” de Traini ou la rébellion contre l’injustice d’un serveur, d’un cuisinier ou d’un livreur de pizzas ensemble, épaulés par des miliers d’autres personnes. Egalité et puis voilà. Ou pas. Ou pas, parce que nous restons antifascistes contre le régime de ségrégation raciale et sociale sur lequel la politique spécule, sur lequel s’enrichit le système légalisé de l’accueil aux migrants. Car malgré la légalité, il y aura toujours un espace pour affirmer que la justice sociale et le droit sont deux choses distinctes. C’est autre chose qu’une excuse, c’est davantage qu’une condamnation. Le cas Luca Traini reste ouvert.
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