Le #12A, les affrontements, le pays réel
L’évidence d’une disponibilité diffuse de la jeunesse à se mobiliser et à descendre dans la rue, comme en témoignent les nombreux cars arrivés ce matin dans la capitale, ne peut pas nous dispenser de réaffirmer combien la recherche d’étapes de vérification, et si possible d’attaques massifiées aux institutions, ne doivent ni ne peuvent céder à une quelconque tentation de ‟court-termisme” [ou d’‟immédiatisme”]. Mais la donnée que nous tenons à souligner est la continuité que cette mobilisation détermine, que ce soit sur le plan social ou politique : Rome, nous le savons maintenant, n’est plus une ville qui doit rester ‟intacte”, l’endroit où chaque rendez-vous national doit défiler de manière disciplinée et où les présages des préfets de la police de service doivent, de bonne ou de mauvaise grâce, être respectés. Encore une fois, les mouvements (les romains en particulier) ont su indiquer aux exploités et aux dépossédés de leur ville et de ce pays qu’il est possible de passer des mots aux actes, des défoulements de comptoir au projet ; et que le projet de ceux qui veulent le changement est toujours un projet d’attaque. Une attaque qui ne peut pas ne pas viser le centre institutionnel et politique représenté par le gouvernement. Une attaque qui, précisément parce qu’elle est politique, ne pourra que s’approfondir toujours plus à l’abri de possibles rapports de médiation.
Une attaque dans ce cas ‟velléitaire”, selon certains journalistes. Un ‟assaut”, celui au ministère du Travail (précédé par les lancements d’objets et de manifestations de colère contre d’autres ministères), qui a été empêché et endigué sans surprise par les forces de l’ordre, disent-ils (naturellement en faisant silence sur les habituels épisodes d’acharnement sur les personnes désarmées et qui étaient à terre : nous profitons de l’occasion pour apporter notre totale solidarité à tous les blessés et arrêtés). Nous le savons : nous ne sommes pas en mesure de mettre en déroute un dispositif énorme de policiers bien armés et d’envahir les palais. Malgré cela, il y a toujours ce désir futur auquel chacune de nos tentatives fait allusion ; briser les interdictions de la police est l’unique pratique concrète et immédiate en mesure de recomposer des sujets sociaux sur le plan de la mobilisation dans l’espace métropolitain contemporain ; et de ne pas le faire sur des tons de lamentations, peut-être bons pour légitimer une nouvelle liste aux européennes, ou pour contenter les niaises velléités para-syndicales de ceux qui pensent uniquement à placer de nouvelles cartes d’adhésion (*), mais en signalant que la partie dépossédée de ce pays est capable d’agir et se réunir pour agir. La subjectivité est en cours de formation et en devenir, et les rapports de force dans la rue ne doivent être conçus comme immuables et éternels. Il reste encore beaucoup à faire sur le terrain de l’autodéfense et de l’organisation dans la rue, mais la voie a été indiquée.
Le système d’information mainstream a d’ailleurs su confectionner une fois de plus ses vérités, déjà écrites depuis la veille et recopiées de la précédente manifestation : la condamnation de la violence de rue et les obscurs petits groupes organisés qui prennent les manifestations en otage. Un disque rayé qui, de la Rai3 à Rete4, de La7 à SkyTg24, déverse une représentation comme toujours ridicule et fausse ; ce ne sont pas des ‟groupes” qui s’organisent : les mouvements savent s’organiser ! Et ils le feront, espérons-le, de mieux en mieux et de plus en plus avec le temps. Les rebelles avec les masques d’anonymous, avec les casques, les ‟bombe-carta” [sorte de pétards artisanaux] et peut-être même les molotovs plaisent d’ailleurs énormément s’ils sont immortalisés par les caméras lorsqu’ils attaquent des ministères et la police en Ukraine ou en Argentine ; ils plaisent un peu encore quand ils agissent en Turquie, moins quand ils apparaissent au Brésil ou en Grèce, mais pour ce ramassis d’hypocrites qui se cachent aujourd’hui sous le noble titre de ‟journalistes” (exception faite de ceux qui travaillent pour des organes et des plateformes indépendantes), ce qui ne doit jamais arriver, c’est que les mêmes pratiques qu’ils encensent à Kiev ou à Buenos Aires puisse se transformer, dans des formes et des contextes différents les uns des autres, en une authentique rage en Italie.
Un jeu de mensonges et de revirements intéressés si manifeste qui, nous le pensons, parvient de moins en moins à convaincre les lecteurs et téléspectateurs qui, grâce au choix d’objectifs politiques compréhensibles de notre part, tendent souvent (grâce aussi à l’aide de l’Internet) à se construire des narrations autonomes des événements. Des mensonges et des revirements journalistiques fabriqués en tandem avec la police qui traite les grands événements de protestation comme des annonces de l’apocalypse, en décrétant la perquisition des bus des manifestants et en les bloquant pour créer de la tension, en exerçant des pressions sur les commerçants pour qu’ils ferment leurs magasins le jour de la manifestation, en essayant de présenter l’assaut aux palais comme si c’était un assaut à la ville. Sur la même ligne que les flics, il y a des personnages pathétiques comme le maire de Rome, Marino [du Parti Démocrate, gauche] qui, plutôt que de se préoccuper de la dette que son institution continue à accumuler sur les dos de tous les Romains, s’abandonne à des commentaires sur la violence et sur les « dommages à la ville » qui montrent sa totale continuité culturelle – et donc substantielle – avec l’ancien maire Alemanno [du parti de Berlusconi, droite] (si jamais quelqu’un avait encore eu des doutes et certains, en effet – même à Rome – risquent de toujours en avoir).
Nous savons que la violence n’est pas la tentative de prendre d’assaut un ministère, mais l’assaut des ministères à nos intérêts sociaux, à nos espoirs de libération et de changement, à nos vies concrètes. Tout ce que les rapports sociaux existants déterminent, défendus et imposés par la totalité de l’appareil institutionnel, est salubre seulement lorsqu’il est combattu. Tout le reste n’est que bavardages inutiles et rengaines hypocrites que, depuis longtemps, nous ne sommes plus disposés à écouter.
Infoaut
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[*] Une référence à une tendance affichée par certains syndicats de base, actuellement plus intéressés à montrer un grand nombre d’adhérents afin de s’opposer aux syndicats traditionnels que dans la mise en œuvre de politiques qualitatives d’antagonisme social et dans les entreprises dans l’objectif de renforcer davantage les luttes et la manifestation du #12A.
(traduit par: XYZ – Organisation Communiste Libertaire)
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